Depuis des mois, Eve Ensler prépare une révolution. Le 14 février prochain, l’auteure des « Monologues du vagin » invite les citoyens du monde entier à danser pour mettre fin aux violences faites aux femmes. Du Bangladesh à l’Allemagne en passant par la République démocratique du Congo, l’opération baptisée One Billion Rising (un milliard de personnes se lèvent) contamine peu à peu la planète. Flashmobs, défilés, pièces de théâtre et mobilisations spontanées, les initiatives sont multiples.

Nous avons rencontré Eve Ensler à Paris, à quelques semaines du lancement de la campagne. Survoltée par l’événement qui approche à grands pas de danse, la militante, partie en guerre contre le sexisme il y a des années, nous explique avec enthousiasme cette nouvelle bataille. Interview.

ELLE.fr. Comment est née l’idée d’organiser l’événement One Billion Rising ?
Eve Ensler. Cela fait maintenant quinze ans que nous célébrons le V-Day (Ndlr : V-Day est la fondation créé par Eve Ensler) le 14 février. En quinze ans, nous avons connu de nombreuses victoires, par exemple aujourd’hui, tout le monde ose dire le mot « vagin ». Mais cette année, nous voulons intensifier nos efforts. D’après les chiffres de l’ONU, une femme sur trois dans le monde – soit un milliard – va être violée, battue, tuée ou victime d’inceste au cours de sa vie. C’est pour cela que j’ai baptisé l’événement One Billion Rising.

ELLE.fr. Pourquoi avoir choisi de l’organiser le jour de la Saint Valentin ?
Eve Ensler. C’est une fête tellement commerciale… Dans la réalité, tant d’histoires d’amour se finissent en actes de violence. Nous voulons redonner du sens à cette journée. Le V de V-Day signifie aussi bien Valentin, vagin ou victoire.

ELLE.fr. Pourquoi avoir choisi la danse comme moyen d’action ?
Eve Ensler. Emma Goldman (Ndlr : une féministe anarchiste russe) a dit un jour : « Je ne veux pas faire partie d’une révolution où personne ne danse ». La danse est l’expression de notre indépendance, cela permet de prendre possession de notre corps, c’est sacré, sexuel et contagieux à la fois. En dansant, on crée une solidarité au sein d’une communauté. C’est un mode d’action non violent mais extrêmement dangereux. Parce que quand les femmes se mettent à danser, on ne sait pas ce qu’il peut se passer…

ELLE.fr. One Billion Rising est un événement mondial. N’est-ce pas un peu utopique de croire que les femmes du monde entier vont se mobiliser pour défendre une cause commune ?
Eve Ensler. Mais c’est pourtant ce qui est en train de se produire ! 189 pays ont déjà signé l’appel. Le patriarcat est un problème global. Cette cause transcende les religions, les classes sociales, les frontières. Ceux qui participent en ont marre, ils veulent que cela s’arrête, ils veulent l’égalité. J’ai eu cette vision de milliers de femmes qui dansaient dans les rues, dans les bus. Au début, je n’en étais pas sûre, mais je crois que cela va arriver…

ELLE.fr. Pensez-vous que la France va suivre le mouvement ? 
Eve Ensler. Ça a déjà commencé ! La délégation aux droits des femmes à l’Assemblée nationale a déjà signé l’appel. Des artistes et des personnalités, comme Najat Vallaud-Belkacem, nous soutiennent. Cet événement ne cible pas seulement les féministes, tout le monde peut participer.

ELLE.fr. Dans vos actions, particulièrement avec V-Girls (un réseau mondial de jeunes féministes lancé en 2010), vous ciblez surtout les jeunes filles. Pour quelles raisons ?
Eve Ensler. Elles sont l’avenir. Si elles sont libres, elles ne seront pas prisonnières comme nous l’avons été. Elles n’auront pas à se battre, elles seront déjà libérées. L’association V-Girls gagne du terrain, de plus en plus de jeunes filles s’engagent.

ELLE.fr. Les violences faites aux femmes ne s’arrêterons pas en un jour, qu’allez-vous faire après le 14 février ?
Eve Ensler. Nous espérons que tout le monde va s’engager pour mettre fin aux violences. Chacun va se lever pour une cause précise, pour stopper les mutilations génitales, les féminicides, les viols, etc… Cette journée va lancer une nouvelle vague d’énergie qui va placer les violences au cœur des préoccupations et non en périphérie, comme s’il s’agissait d’un problème secondaire.

> Retrouvez les différentes manifestations organisées dans le monde le 14 février prochain en cliquant ici.

http://2013.onebillionrising.org/news/entry/eve-ensler-danser-contre-les-violences-faites-aux-femmes