One Billion Rising s’est révélée être la campagne la plus facile que nous ayons menée, car elle s’est nourrie d’un désir universel de danser pour la liberté. La violence dont les femmes sont victimes est le problème source de tous les autres ; les femmes y répondent viscéralement, immédiatement, émotionnellement, et politiquement à travers cette campagne, car il affecte et handicape sans détour leurs corps, leurs êtres, et leurs vies.

Les femmes sont victimes de nombreux actes de violence ; chacun d’eux mine leur confiance en elle, l’estime qu’elles ont d’elles-mêmes, leur esprit, leur énergie, et leur potentiel. Parmi ces violences : le viol, les viols collectifs, les agressions, le harcèlement, l’esclavage et le trafic sexuel, mais aussi l’excision, les crimes d’honneur, la lapidation ou les fœticides.

Impossible d’isoler les actes de violence exercés envers les femmes des autres formes de violence qu’elles subissent : injustice économique, esclavage, chômage, manque de respect et dévaluation des tâches exercées par nombre d’entre elles, impérialisme, militarisation, commercialisation et vente du corps féminin.

Ce que j’ai appris, c’est qu’il y a un lien direct entre la façon dont nous traitons le corps féminin et la façon dont nous traitons la Terre.

Que les hommes sont tout autant tyrannisés par le système patriarcal, bien qu’ils bénéficient de plus de pouvoir.

Qu’en apprenant aux garçons à mettre à distance leur cœur et leur vulnérabilité, on les a dissociés d’eux-mêmes et isolés. Les hommes qui violent, blessent, font mal et détruisent, sont eux-mêmes détruits pour toujours.

Que les hommes ont soif d’un nouveau modèle de masculinité et d’un nouveau monde.

Qu’il n’y a pas une ville, un Etat ou un village sur terre qui ne bénéficierait de programmes d’éducation sexuelle.

Que la première fois que beaucoup de garçons et de filles apprennent les choses du sexe, c’est par la pornographie.

Que la diversité des hommes et des femmes qui se soulèvent reflète la diversité des femmes violées, des travailleuses immigrées, des employées de maison, des docteurs, des infirmières, des professeurs, des danseuses, des activistes, des agricultrices, des juges, des députées, des premiers ministres, des religieuses.

Que le temps dépensé à savoir si quelqu’un se dit féministe ou pas serait mieux employé à changer les lois, exiger de meilleurs salaires et allocations sociales, éliminer la violence, exiger une meilleure assurance sociale et protéger la planète.

Que le monde commence tout juste à développer l’idée, et ainsi la volonté, de faireadvenir un monde sans violence.

Que la campagne One Billion Rising est un appel mondial, une décision mondiale, un rassemblement mondial, libérant une énergie elle aussi mondiale, destinée à déclencher et maintenir un engagement mondial pour en finir avec la violence exercée contre les femmes.

Que 100 % des femmes sur terre vivent dans une cage si normalisée que nous n’en sommes même plus conscients. Nous n’allons pas où nous voulons quand nous le voulons, ni ne portons les vêtements que nous souhaitons. Nous devons toujours faire attention à la façon dont nous bougeons, à ceux qui nous regardent, à ce qu’ils vont penser et à la direction où ça pourrait nous mener.

Que les personnes qui croient que le monde peut s’améliorer et se tiennent la tête haute sont souvent ridiculisées, attaquées et insultées. Alors que celles qui volent et pillent le monde, déstabilisent des millions d’autres personnes, et servent leur propre intérêt en se préoccupant uniquement d’accumuler de la richesse, sont considérés comme des leaders qui ont réussi et des modèles à suivre.

Que le 14 février 2013 va changer le monde. Non pas parce que c’est une date magique, bien qu’il y ait vraiment des éléments mystiques attachés à cette campagne. Ce jour va changer le monde car la façon dont il a été préparé et organisé a déjà déclenché une vague d’énergie qui va enflammer les efforts en cours pour en finir avec la violence contre les femmes, et en inspirer de nouveaux.

La préparation de cette journée a rassemblé des groupes et des individus qui n’avaient jamais travaillé ensemble auparavant ; elle a éveillé toute sorte de nouveaux individus, groupes, et associations, et de nombreux hommes qui n’avaient pas conscience du problème et y travaillent désormais activement. Elle a, par l’ampleur de notre mouvement et de nos efforts, mis la violence exercée contre les femmes au cœur du débat.

Partout, elle a brisé les tabous et le silence et inspiré des élans créatifs radicaux. Par leur art, des individus et des groupes ont révélé la dimension mondiale du mécanisme patriarcal qui sous-tend la violence et ont montré que la violence exercée contre les femmes n’est pas un phénomène national, tribal, ethnique, ou religieux, mais un mécanisme mondialement répandu.

Des hommes et des femmes unis par-delà les frontières de 202 pays ont déployé la force et la solidarité nécessaires pour briser l’isolement, permettre de rompredavantage le silence, et donner ainsi confiance aux rescapées : ce n’est ni de leur faute, ni celle de leur pays ou de leur famille ; c’est un phénomène humain.

J’ai appris que les gens adorent danser, et ont parfois besoin d’être cajolés, surtout à Kérala, en Inde, et à Paris.

Que la danse est l’antidote aux traumatismes, qu’elle peut transformer la douleur en force, l’isolement en communauté, la souffrance en aptitude à mener les autres.

Que lorsque nous dansons nous accédons à l’incarnation de notre force vitale, et sentons que se développent notre authenticité, notre humeur, notre rage, notre joie, notre énergie, notre force.

Que danser évoque de folles espérances
Mais nous qui dansons ne sommes pas aveugles
Nous sommes rescapées
Ne prenez pas notre détermination ou notre passion
Pour de la naïveté
Nous savons parfaitement ce que nous faisons
Mais nous n’en sommes plus au stade où nous allons nous laisser nous fairebattre par quiconque Nous savons ce qui est possible et ce que cela coûtera
Nous savons que le 14 février n’est pas la fin, mais le début d’une nouvelle étape du combat pour que la violence exercée contre les femmes ne soit plus marginalisée.

Nous sommes prêtes à être libérées
Un milliard d’entre nous, de 202 pays
Libérées de la haine de soi
Libérées de la honte Libérées de la peur
Libérées de la faim Libérées de la douleur
Libérée des menaces et des intimidations
Libérées de la violence.

Le 14 février, nous nous soulevons, ensemble, car c’est en bougeant ensemble, en tapant du pied et en nous déhanchant sans retenue que nous créerons la voie et l’énergie pour faire advenir un monde nouveau.

Traduction Mirabelle Ordinaire

http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/02/14/finissons-en-avec-la-violence-exercee-contre-les-femmes_1832598_3232.html